Actu 2019-2020: Création du GDR cavitation

Lors du dernier séminaire JSUP 4 (Journées Ultrasons et Procédés, Toulouse, 4-5 juillet 2017), le conseil scientifique a décidé de demander le soutien du CNRS pour pouvoir transformer les JSUP en Groupement De Recherche (GDR). Les sections 13 et 14 de l’INC et 10 de l’INSIS ayant répondu favorablement, le GDR Cavitation a été créé au 1er janvier 2019. Il est piloté par un directeur, Serguei Nikitenko (Directeur de Recherche - CNRS, ICSM) et aidé d’un directeur adjoint, Jean-Yves Hihn (Professeur - Université de Franche-Comté, UTINAM). Les missions principales du GDR CAVITATION sont de favoriser l’avancée des connaissances des mécanismes réactionnels chimiques et physico-chimiques sous l’effet de la cavitation ultrasonore ou hydrodynamique, d’élargir les applications potentielles de la sonochimie, de renforcer l’interaction entre les équipes-membres du GDR au travers de projets collaboratifs, d’aider à l’organisation des réunions annuelles et des écoles thématiques, ainsi que d’apporter un soutien aux jeunes chercheurs. Le périmètre scientifique du GDR CAVITATION a été défini pour répondre plus particulièrement aux défis suivants : favoriser des échanges transdisciplinaires ; échanger des solutions pratiques ; confronter des points de vue issus d'applications ou de travaux plus fondamentaux ; renforcer les liens entre les partenaires académiques et industriels ; donner de la visibilité à la communauté sonochimique française ; promouvoir l’émergence de projets de recherche aux échelles nationale et internationale.

Plus de renseignements disponibles sut le site du GDR: http://gdr-cavitation.cnrs.fr/

Thématiques détaillées du LSFC

La sonoluminescence

Lors de l’implosion des bulles de cavitation, des températures extrêmes (>5000K) sont atteintes en leur c½ur. Elles sont à l’origine d’une émission de lumière appelée « sonoluminescence » (SL). Le spectre de SL est généralement constitué d’un continuum qui s’étend de l’UV au proche IR auquel se superposent des raies d’émission d’espèces excitées (OH•, Ar*, ions excités, etc.). La mesure du spectre de SL permet de sonder l’intérieur des bulles, d’obtenir des informations sur les températures atteintes et sur la présence d’espèces excitées. Cette étude a pour but de mieux comprendre les mécanismes des réactions sonochimiques (quels radicaux / espèces excitées sont formés) afin d’optimiser les conditions opératoires pour maximiser la production de radicaux ou d'espèces excitées. Un réacteur multifréquence (20 kHz – 1 MHz) de sonoluminescence a été développé à l’ICSM pour cette étude. Il permet d’effectuer des mesures de spectres de sonoluminescence (230-900 nm) dans les conditions réelles de la sonochimie (contrôle de la température, de la nature du gaz dissous etc.) avec une analyse parallèle et résolue dans le temps des produits de sonolyse, de manière à coupler sonoluminescence et sonochimie.

L’étude spectroscopique des spectres de sonoluminescence permet de montrer qu’un plasma hors-équilibre est formé au c½ur des bulles de cavitation lors de leur implosion. Ses caractéristiques peuvent être étudiées via la modélisation, le cas échéant avec des logiciels de spectroscopie, du spectre d’émission des espèces excitées observées (OH, C2, bande de Swan, NH…).  Cette approche permet d’estimer les températures vibrationnelles et rotationnelles de ces espèces excitées en fonction des paramètres expérimentaux (fréquence ultrasonore, nature du gaz dissous, concentration, etc.). A titre d’exemple, en présence de 10-3 – 10-2 M de tert-butanol dans l’eau, sous Ar et à 362 kHz, les températures vibrationnelle et rotationnelle de C2 sont de l’ordre de 8000 et 4000 K respectivement.

Fig. 1: SL d'une solution de NaCl

Réactivité sonochimique à l'interface solide-liquide

Dans le domaine nucléaire, la décontamination de surfaces métalliques présente beaucoup d’intérêt pour le démantèlement des installations et équipements arrivés en fin de vie. Le développement d’un dispositif permettant l’étude du comportement de matériaux massifs sous champ acoustique a permis de démontrer que la décontamination de surfaces métalliques artificiellement polluées par du Ce, Sr, ou U peut être envisagée en conditions douces (T, P ambiantes) et avec des facteurs de décontamination élevés. La décontamination sonochimique de surfaces de Mg peut ainsi être réalisée par dépassivation et dissolution contrôlées afin d’éliminer uniquement l’épaisseur de métal désirée (Fig. 2). Les observations réalisées par MEB démontrent la structuration de l’échantillon après traitement et l’absence de contamination résiduelle.

Fig. 2: surface de Mg contaminée par U et traitée à 205 kHz (gauche) ; observation par MEB de la structuration de la surface décontaminée (droite).

L’apport des ultrasons dans la décontamination a également été vérifié pour des solides dispersés, dans le cadre d’une collaboration avec le CEA/DEN. Un simulant des terres contaminées de Fukushima a ainsi été préparé et se présente sous la forme de particules de vermiculite contaminées en césium. Dans ce type de matériau, le Cs est piégé entre les feuillets de la vermiculite, et la décontamination demande en général de combiner un échange ionique (en utilisant de fortes concentrations en Mg2+) et des conditions particulières comme par exemple hydrothermales. Il a été montré que les ultrasons permettent de gagner un ordre de grandeur sur la cinétique de désorption, mais aussi d’en augmenter les rendements. Il est prévu d’étendre cette technique à la dépollution de terres contenant différents métaux.

Les résultats prometteurs observés dans ces domaines peuvent être envisagés à plus grande échelle où les possibilités technologiques liées à l’utilisation d’ultrasons de puissance dans le domaine industriel sont aujourd'hui très variées.

Sonochimie des actinides

La sonochimie peut être considérée comme une solution alternative prometteuse pour le retraitement du combustible nucléaire usé actuel et futur en raison des conditions de réaction douces et efficaces qu’elle véhicule. Le phénomène de cavitation acoustique qui y est associé permet la génération in situ d'espèces redox avec des cinétiques et rendements contrôlés en travaillant à température et pression ambiantes, et sans ajout de réactifs supplémentaires. L’application d’ultrasons de puissance dans le domaine de la chimie des actinides (An) où les interactions de type rédox sont extrêmement fréquentes peut ainsi être considérée. Les effets physiques additionnels générés dans les systèmes hétérogènes solide-liquide conduisent à l’observation de l’érosion et la dépassivation des surfaces, la fracturation de grains, l’augmentation du transfert de masse et la diminution des couches de diffusion. La transformation sonochimique du milieu réactionnel associée à l’activation spécifique des surfaces peut ainsi présenter de nombreux intérêts dans le domaine nucléaire. En étroite collaboration avec le département DMRC (installation Atalante, Marcoule), et en parallèle aux études réalisées avec U et Th sur l'installation ICSM, plusieurs montages sonochimiques ont pu être nucléarisés en boîte à gants afin d’étudier le comportement du Pu sous irradiation ultrasonore. Trois axes majeurs décrivent ces études ci-dessous:

- Synthèse et contrôle rédox des actinides en solution aqueuse

- Synthèse, réactivité et caractérisation de suspensions colloïdales d'actinides

- Réactivité et dissolution de composés d'actinides (principalement oxydes du type AnO2)

Fig. 3: Sonoreacteur implanté en BAG sur Atalante (gauche) et image MET-HR de colloïdes de Pu (droite).

Synthèse de nanoparticules assistée par ultrasons et réactions sonocatalytiques

La sonochimie est une technique particulièrement intéressante pour la préparation de matériaux de nature chimique variée et en particulier de nanoparticules (NPs) de métaux nobles ou bien de catalyseurs supportés à porosité hiérarchique. Grâce à l’hydrogène formé in situ au cours de la sonolyse de l’eau, il est possible de synthétiser des particules de platine de quelques nm de diamètres par réduction sonochimique des ions Pt(II/IV) en milieu aqueux sans ajouts de réactifs supplémentaires ou d’agents stabilisants. Les traitements ultrasonores pouvant être réalisés dans une large gamme de conditions opératoires, et notamment à température ambiante, cette voie de synthèse peut être appliquée en présence de différents types de supports comme des oxydes métalliques, des semi-conducteurs ou bien des matériaux thermodégradables afin d’élaborer des matériaux catalytiques à designs originaux. Ainsi, des NPs de métaux nobles peuvent être déposées par réduction sonochimique sur des billes de polystyrène de l’ordre de 100 nm utilisées comme supports et agents porogènes pour la synthèse de catalyseur Pt/SiO2 à porosité hiérarchique (Fig. 4). Cette voie innovante de préparation de matériaux à designs spécifiques a été mise au point avec nos partenaires de l’ICG de Montpellier en collaboration avec l’université de Messine et de Delft.

Une autre approche concerne l’élaboration de nanomatériaux de type c½ur coquille Ti@TiO2 obtenus au cours d’un traitement sonohydrothermal à 200 °C sous 13 bar et irradiation ultrasonore simultanée à 20 kHz. Les propriétés optiques spécifiques de ces catalyseurs ont ensuite été exploitées pour la génération de H2 au cours de l’irradiation, dans le visible et le proche IR, de solutions aqueuses en présence de composés organiques sacrificiels.

Fig. 4 : Représentation schématique du dépôt de NPs de métal noble sur les billes de polystyrène et transfert de la phase active du catalyseur au sein de la matrice de silice à porosité hiérarchiquec (gauche). Mécanisme de dégradation sonocatalytique de l’EDTA en présence de catalyseur Co3O4/TiO2 (droite)

L’utilisation du phénomène de cavitation acoustique ne se limite pas à la synthèse de matériaux et permet également d’envisager des applications de sonocatalyse (i.e., couplage ultrasons et catalyseurs), en particulier pour les réactions d’oxydation et de dégradation de polluants organiques. La génération in situ d’espèces oxydantes réactives et peu sélectives (e.g., radicaux OH·) permet de considérer la sonochimie comme une technique d’oxydation avancée pour la décontamination des effluents aqueux. Différentes études au sein de notre laboratoire ont mis en évidence que les effets physiques et chimiques liés à la cavitation acoustique permettent d’augmenter les performances des catalyseurs hétérogènes. Ainsi, une étude menée dans le cadre du Projet d‘Investissement d’Avenir Andra avec l’Institut Jean le Rond d’Alembert a permis de mettre en évidence la défonctionalisation complète de solution aqueuse d’EDTA à 5 mM en quelques heures grâce à l’activation sonocatalytique du catalyseur Co3O4/ TiO2 en présence d’oxygène sous irradiation ultrasonore à haute fréquence à 40 °C comme illustré avec le mécanisme réactionnel en Fig. 4.